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BiographiePaul-Emile Destouches est né à Dampierre le 16 décembre 1794 et mort à Paris le 11 juillet 1874. Son père était un également un peintre[1], dont nous ne savons actuellement rien. Il fit ses études au collège Louis-le-Grand à Paris et après l’affermissement de son goût pour la peinture il entra dans l’atelier de Pierre Guérin, en 1811[2]. Quinze mois plus tard il fut placé dans celui de Jacques-Louis David puis dans celui du baron Gros après la mort du maître. Il semble avoir complété sa formation auprès d’Anne-Louis Girodet. « Il se destina d'abord à la grande peinture, et se livra avec succès aux fortes études qui sont indispensables pour aborder ce genre difficile. Mais telle n'était pas la voie que lui avait tracée la nature ; il était né pour les sujets familiers, qui n'exigent que de la finesse, du sentiment et du goût » (P. Larousse). On pourrait déduire de cette introduction que le jeune artiste n’avait pas fait preuve de grand talent dans l’exercice des « fortes études » et qu’il dut se reporter sur la scène de genre, plus abordable. Destouches présente deux premières œuvres au Salon de 1817, il a 23 ans, et opte pour la peinture historique, mais déjà à la limite de la peinture de genre. La première œuvre représente Diane de Poitiers implorant la grâce de son père et la deuxième un Bélisaire faisant l’aumône. Il peint à la même époque un Saint Louis en prière qu’il offre à son église natale de Dampierre. Au Salon de 1819 il expose une Résurrection de Lazare qui lui fait obtenir une médaille d’or. L’œuvre est acquise par l’État qui l’attribue à la cathédrale de Vannes et lui commande un Martyre de saint Cyr et sainte Julitte pour la cathédrale de Nevers. Un début de carrière classique, bénéficiant d’un soutien gouvernemental non négligeable puisqu’il ne s’agissait pas de copies mais de créations, plus considérées, mieux payées, et destinées à des édifices d’importance. Il répondra à une troisième commande religieuse pour l’église Saint-Nicolas du Chardonnet, avec un Christ au Mont des Oliviers, mais ne fit pas de la scène religieuse une spécialité. Dans le même mouvement il exécuta en 1820 pour l’État un portrait de Louis XVIII attribué au tribunal d’Angers. Le recoupement des diverses sources nous a permis de dresser une liste non exhaustive des œuvres de Paul-Emile Destouches où se distinguent quatre grands types de sujets : les scènes historiques dans le style Troubadour encore en vogue dans les années 1820-30, les scènes de genre, des scènes « bourgeoises » décoratives (Jeune filles pensive, Le messager de l’amour, Jeune fille au lit, la Bouquetière…) et quelques sujets religieux correspondant à des commandes d’État citées plus haut. Un grand nombre d’œuvres ne nous sont connues que par les gravures et notamment celles réalisées pour les Annales du musée et de l’école moderne des beaux-arts, publiées en 1824, un document précieux pour l’historien.
La période Troubadour Paul-Emile Destouches va orienter ses sujets vers la peinture de genre, et s’inscrit en début de carrière dans le courant dit Troubadour. Ce mouvement qui connaît son apogée durant la Restauration, avait à cœur de mettre en scène les personnages de l’histoire de France et particulièrement du Moyen Âge qui bénéficie au XIXe siècle d’une véritable réhabilitation. Chez Destouches, les toiles de style Troubadour sont assurément les plus intéressantes. Elles correspondent à des sujets particulièrement prisés chez les peintres : l’humanité des hommes illustres et l’intimité des princes[3], afin de rendre le passé national attrayant et familier. Citons François Ier accordant à Diane de Poitiers la grâce de son père, exposé en 1817, non localisé mais dont nous connaissons un dessin de la composition. Vieux soldat romain réduit à la mendicité, intitulé par ailleurs Bélisaire, exposé en 1817, dont nous ne savons rien sinon que le maître de Destouches, Jacques-Louis David, en exécuta une version célèbre en 1780. Présentée au Salon de 1824, la Scène de prison est une œuvre anecdotique originale dont la belle composition nous renvoie au XVIIe siècle. Marie Stuart dans les souterrains de Loch-Lewen, exposé la même année, que nous connaissons grâce aux lithographies de Weber et Schmidt. Plusieurs œuvres dont nous ne connaissons que les titres renvoient à des thèmes historiques ou Troubadour : Charles Quint dans son couvent (salon de 1824); Clément Marot et la duchesse d’Alençon (salon de 1826), Anne d’Autriche et le duc de Buckingham ou Hyacinthe Brandi et son gendre. Le goût historique et le choix des personnages n’est pas anodin: François Ier, Marie Stuart, Anne d’Autriche, Clément Marot, Charles Quint… Destouches s’inscrit parfaitement dans l’esprit Troubadour qui montre le goût pour l’histoire de France combiné à l’approche anecdotique en privilégiant l’évocation de drames passionnels.
« Le peintre des honnêtes gens » C’est avec Le contrat interrompu en 1831 que Destouches va prendre le virage de la peinture de genre, abandonnant le style Troubadour passé de mode, alternant par la suite les scènes « sociales » et les sujets « légers » (Jeune fille couchée, La fille bien gardée, etc.). Le retour au village de la fille pécheresse inaugure une sorte de série. On peut citer de la même veine Le contrat rompu, La lettre d’abandon, L’orpheline, Le départ pour la ville, ou encore Le gage, qui mettent en scène de petits drames familiaux de façon touchante. Les scènes de genre sont souvent thématiques, le thème étant décliné en deux ou trois compositions. Quelques thèmes sociaux comme Le retour au village et Le départ pour la ville évoquent la saignée rurale et la nocivité de la ville. L’Orientalisme n’est pas délaissé, sa composition de Shéhérazade, de laquelle émane peu de vraisemblance mais une grande douceur, ainsi que le Selam, gravé en 1834 pour un recueil de littérature contemporaine, illustrent bien ce rapport fortement idéalisé à l’Orient (il peint une Scène turque que nous ne connaissons pas en 1822). Le genre littéraire fournit un grand nombre de sujets « d’actualité » à Destouches. Celui-ci illustre plusieurs œuvres telles que Le Mariage de Figaro et Le Ruban de la comtesse, extrait de la même pièce, qui lui vaut un beau succès au Salon de 1827, ou L’amour médecin, d’après Molière, dont les lithographies de Delamarre et Goodyear rendront la composition extrêmement populaire jusqu’à inspirer Flaubert pour Madame Bovary. Citons encore La convalescence de Gresset (Salon de 1824), qui représente le poète du XVIIIe siècle dont les œuvres complètes parurent en 1822, ou encore La fille mal gardée et La fille bien gardée, thèmes d’opéras-comiques populaires. On peut aussi associer à ce thème des œuvres historiques comme Marie Stuart dans les souterrains de Loch-Lewen (exposé au Salon de 1824),scène tirée du roman de Walter Scott paru en 1820, ou ses œuvres orientalistes qui s’inspirent de la littérature comme Shéhérazade et Selam ou l’art de le dire avec des fleurs. Certains thèmes renvoient à des scènes historiques ou littéraires familières aux contemporains de l’artiste mais qui nécessitent aujourd’hui quelques recherches comme Hyacinthe Brandi et son gendre (la scène évoquait probablement la rivalité entre le peintre flamand Brandi et le peintre animalier Roos tombé amoureux de la fille du premier). L’armée fournit à Destouches plusieurs sujets, ses deux dernières œuvres présentées au Salon (de 1840 et 1841) en étant les exemples les plus réussis (Un officier blessé et Le convalescent). Certains sont plus légers comme Le hussard en semestre, Le soldat obligeant, Un conscrit et la vivandière du régiment. Plusieurs œuvres de Destouches furent popularisées par la gravure, notamment par les excellents burins de Georges Maile qui commença à utiliser des plaques en acier et fit monter les tirages à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. On imagine que Paul-Emile Destouches eut certaines difficultés sur la fin de sa carrière, ses thèmes de prédilection étant passés de mode. Il expose au Salon jusqu’en 1841 et semble avoir été assez malade les deux années suivantes. Peu d’œuvres sont connues après 1840, cependant un dessin daté de 1872 (deux ans avant sa mort) est récemment passé en salle des ventes. S’il n’exposait plus au Salon, Paul-Emile Destouches n’avait pas abandonné pour autant ses crayons et ses pinceaux. L’artiste avait entrepris de rédiger des notices sur les principaux peintres français de la fin de la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais semble avoir abandonné son projet vers 1842 du fait de son état de santé. Il eut une carrière assez diversifiée puisqu’on lui connaît quelques caricatures pour des journaux, des dessins de paysages (cloître, ruines, etc.), des textes composés pour des pièces musicales, et même une Épitre à Nicolas (Poussin), éditée en 1819. Paul-Emile Destouches est mort à Paris en 1874, sans doute déjà proche de l’oubli. [1] Nouvelles archives de l’art français, troisième série, tome VI, 1890. M. Grille, qui avait un poste influent à la Direction des Beaux-Arts avait entrepris de publier une biographie des artistes vivants en 1827. Il sollicita les artistes concernés qui fournirent une notice sur eux-mêmes. Celle que PE Destouches communiqua à M. Grille en 1827 nous donne quelques précieux compléments comme le fait qu’il n’était pas marié à cette date et n’avait pas « encore fait le voyage en Italie ». [2] Ibid. [3] François Pupil, Le style Troubadour, Presses universitaires de Nancy, 1985, p. 504. |